Récit de William Bell – Bataille et prise en captivité
La bataille et la prise en captivité
Je ne me souviens pas de la date exacte, mais alors que j’étais accompagné de mon Sergent, Edward Dunsford, et du soldat William Starrett, on m’a affecté à une patrouille de reconnaissance dans une région des collines environnantes de Mount Blount. Nous n’avions aucune idée que les Japonais s’y étaient déjà installés, et bientôt nous nous sommes retrouvés face à un de leurs nombreux nids de mitrailleuses. Le Sgt Dunsford a été atteint à la gorge et en est mort immédiatement. De mon côté on m’a atteint au même moment, à la hanche gauche, mais heureusement pour moi la balle m’a traversé le corps et est sortie par le devant de ma cuisse supérieure. Le Sdt Starrett a réussi à m’aider lors de notre évasion en redescendant la colline. Je saignais beaucoup, mais Willie a sacrifié sa chemise pour me panser les blessures. La chance nous a souri, car nous avons pu rejoindre le reste de la compagnie « A ».
Le 19 décembre, j’étais au Quartier général de la brigade, au passage Wong Nei Chong, lorsque nous avons reçu l’ordre de partir à 2 h. Les compagnies « A » et « D » affrontaient toutes deux des vagues de troupes japonaises qui attaquaient du terrain surélevé stratégique sur Mount Butler. La compagnie a été divisée après un combat acharné et mon groupe s’est vu repousser en bas de la colline jusqu’à un endroit nommé « Jardines Lookout ». Le SMC (sergent-major de compagnie) John Robert Osborn a pris le commandement d’environ 65 de nos Grenadiers de la compagnie « A ». Le SMC Osborn était un ancien combattant de la Première Guerre mondiale, lors de laquelle il avait été atteint d’une balle au bras et avait subi des blessures de gaz moutarde de l’ennemi.
Notre groupe était en pleine bagarre avec l’ennemi. Nous étions dans une dépression et les Japonais nous entouraient. Les tirs ennemis étaient sans répit et nos munitions commençaient à manquer. Nous recevions une volée de munitions de mortiers, de grenades, d’armes légères et de mitraillettes ennemies de tous les côtés. Nous n’avions que quelques mitrailleuses Bren et environ sept mitraillettes Thompson. Les Japonais ont tenté de nous attaquer à plusieurs reprises en brandissant des sabres. À un moment donné, je me souviens avoir atteint un officier japonais à l’estomac. J’en ai levé un autre en l’air d’une volée de ma mitraillette Thompson alors qu’il était sur le point de passer mon camarade Roy Stodgell à la baïonnette.
Les Japonais nous lançaient des grenades de tous les côtés, et le sergent-major Osborn les relançait le plus vite possible. Nous étions neuf ou dix à ce moment-là. Une des grenades est tombée là où John Osborn ne pouvait pas s’en emparer. Le Sgt Pugsley a crié qu’il fallait tous se lancer hors de portée de la grenade. Faisant le sacrifice ultime, le SMC Osborn s’est précipité sur la grenade. Il est mort immédiatement, mais a réussi à sauver plusieurs des hommes qui l’accompagnaient, y compris moi, John Pugsley, John Pollock, Harry Atkinson, Cliff Matthews, et plusieurs autres. C’était le geste le plus brave que nous n’avions jamais vu.
Pendant l’explosion qui a tué le SMC John Osborn, j’ai été atteint de plusieurs éclats de grenade : au sommet du crâne, au genou gauche, à la main gauche et à l’épaule droite. Complètement entourés par les Japonais, la plupart d’entre nous gravement blessés, nous n’avons le choix que de nous rendre. La guerre a pris fin pour moi à Jardines Lookout. J’étais sur le point d’entrer dans un nouvel enfer vivant.
Devenu prisonnier des Japonais, j’ai été envoyé à une petite hutte quonset, un édifice près de Mount Blount. Il y avait là au moins 30 autres hommes, y compris John Pugsley, Gowan Teasdale, les frères Mtchell, et Norman Hiscox. La plupart d’entre nous qui avions été placés dans l’édifice étaient soit gravement blessés, soit mourants. On nous a gardés là pour ce qui nous semblait une éternité, jusqu’à ce que tout à coup, un mortier défonce le plafond de la hutte. Une énorme explosion s’est produite et plusieurs autres hommes ont été tués et blessés davantage autour de moi. Ceci comprenait mon bon ami de mon ancien quartier, Gowan Teasdale. Gowan est mort d’une grave blessure à la tête causée par l’explosion.
Même après l’explosion, l’ennemi nous a gardés sous clé dans l’édifice endommagé toute une éternité. Les Japonais ont enfin fait sortir ceux d’entre nous qui pouvions marcher et ont confisqué la plupart de nos possessions. Ils m’ont volé mes pantalons, ma ceinture, mon portefeuille, une montre Gruen à 17 bijoux, une bague signet de 14 ct et un ensemble de plume et de crayon. Je ne les ai jamais revus. Ils nous ont ligoté les mains derrière le dos et nous avons effectué une marche épuisante de sept milles jusqu’à Hong Kong. Je ne le savais pas à ce moment, mais le 20 décembre 1941, le jour après qu’on m’a fait prisonnier, j’ai reçu une promotion au rang de caporal suppléant (pas que cela aurait changé quoi que ce soit à ma situation).
Plus tard, j’apprendrais que plusieurs de mes camarades sont morts sur le champ de bataille ce même jour. Parmi ceux-ci, il y avait mes bons amis Bernard Whalen et Ewart Starrett (morts au passage Wong Nei Chong), William Specht (mort à Jardines Lookout), et Stan Stodgell (mort près de Mount Blount). Le 20 décembre, mes bons amis Tage Agerbak, Gowan Teasdale (mort à Mount Blount) et Willie Starrett, qui a aidé à me sauver la vie lorsque l’ennemi m’a tiré dessus (mort à Black Hole) sont tous morts sur le champ de bataille. Le 25 décembre mon meilleur ami Denis Matthews (mort au passage Wong Nei Chong) et James Maltese ont été tués également. Plusieurs autres dont je me souviens affectueusement ont été tués pendant cette bataille. Jusqu’à ce moment, je n’avais pas eu l’occasion de connaître trop de membres des Royal Rifles. Au cours des prochains 42 mois, nous allions nous tenir côte à côte en un immense effort de survie.
Après avoir été sorti de la hutte quonset, j’ai marché au pas avec de nombreux prisonniers jusqu’au camp North Point où nous avons passé la nuit. On nous a ensuite transportés par bateau à Kowloon et nous avons marché au pas encore plus loin. Le 21 décembre, nous sommes arrivés à une mission catholique où nous nous sommes arrêtés pour la nuit. Il y avait des religieuses à la mission qui ont aidé à traiter ceux d’entre nous qui étions blessés. Le 22 décembre 1941, environ 50 d’entre nous avons été obligés de marcher au pas jusqu’au camp Argyle, un camp de réfugiés chinois. C’était un endroit terrible où plusieurs de nos blessés sont morts de soins médicaux insuffisants.